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de la faute étaient différentes. Le diable était, lui seul, la cause totale du péché qu’il avait commis. Avant lui, en effet, le mal n’existait pas ; mais seulement la possibilité du mal. Lucifer avait, de cette possibilité, formé le mal dans tout ce qu’il renferme, dans sa matière ainsi que dans sa forme : il était l’auteur des motifs qui l’avaient tenté, comme de la détermination qu’il avait prise d’après ces motifs. Tout autre était la situation de l’homme. Avant lui le mal existait déjà comme réalité donnée, et, avec le mal, la pente vers des fautes nouvelles. C’est sur la sollicitation de Satan que l’homme a péché. Si la décision qu’il a prise lui appartient, les motifs de cette décision ne sont pas en œuvre. Ils étaient en lui comme des instincts, comme une nature préexistante. L’homme ainsi est responsable de sa seule détermination, non des motifs auxquels il a cédé. C’est pourquoi la faute d’Adam, qui certes serait mortelle si l’homme était abandonné à lui-même, n’est pas irrémédiable. Il est possible, sinon à la justice, du moins à la miséricorde divine d’opposer, au sein de l’âme humaine, aux sollicitations mauvaises la tendance vers le bien, et de donner à la volonté de l’homme, laquelle est temporelle, la faculté de revenir sur sa résolution. Dieu, maintenant, va-t-il venir en aide à l’homme révolté contre lui ? Enverra-t-il à l’homme un rédempteur et un sauveur ? C’est ce que nulle nécessité ne commande ni n’exclut, et ce qui se décidera dans les profondeurs mystérieuses de la volonté infinie.