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dans l’espace et dans le temps se compose d’individus séparés les uns des autres : il s’agit d’unir ces individus dans un commun hommage rendu à l’Éternel, et, sans effacer leurs caractères propres, de les élever au partage de la personnalité.

Cette destinée est prescrite à l’homme, mais ne lui est pas imposée. Sa volonté est libre. Il y a en lui feu et lumière, violence et douceur, égoïsme et abnégation ; il y a, de plus, comme un effet de sa nature terrestre, une volonté temporelle, placée entre ces deux principes et capable de se tourner vers l’un ou l’autre. L’homme possède donc toutes les conditions de la liberté, et il peut, selon qu’il lui plaît, s’abîmer en soi ou se trouver effectivement en renonçant à soi.

De ce pouvoir comment a-t-il usé ? C’est là une question de fait, à laquelle répondent la tradition et l’expérience. Or, nous savons que l’homme, à l’exemple de Lucifer, a désobéi à Dieu et est déchu de sa noblesse primitive. La faute, selon le récit mosaïque interprété à la lumière de l’esprit, s’est accomplie de la manière suivante :

Làchant la bride à son imagination, l’homme s’est mis à contempler et admirer la nature, de préférence à Dieu. Peu à peu il a paré son idole de toutes les perfections dont il avait l’idée : il en a fait le tout et la divinité. Alors il s’en est épris et il a brûlé de l’engendrer telle qu’il la voyait dans son imagination. Oublieux des droits de l’esprit, il a voulu que la nature fût, sans