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là, détachées du tout et repliées sur elles-mêmes. L’espace et le temps sont ainsi le fondement spécial de la réalité du monde sensible. Il n’y a rien ici qui ne vienne de Dieu ; mais rien de ce qui était en Dieu ne pouvait, par un simple développement, produire cette forme d’existence : c’est par un acte libre et original, par une création véritable que Dieu fait apparaître le monde de la discontinuité et de l’extériorité.

Dieu, par là même, ne s’abîme point dans sa création, pas plus que l’intelligence de l’homme ne s’épuise en se manifestant. La volonté divine est ténue comme un rien. Nul être massif et donné ne peut l’enfermer en soi et l’immobiliser. Le monde, d’ailleurs, ne sort pas de Dieu même, mais de sa gloire, c’est-à-dire de sa forme extérieure. Et cette gloire elle-même, périphérie de la divinité, demeure après la création ce qu’elle était avant. Car si le moins est contenu dans le plus, le plus n’est pas contenu dans le moins ; à plus forte raison l’autre n’est pas contenu dans l’autre. Ni comme sujet, ni comme objet, la divinité ne s’absorbe dans sa manifestation sensible. La création n’est point une transformation de force.

C’est ainsi que Dieu crée à la fois de rien et d’une matière ; le Dieu personne crée avec la nature divine comme matière ; mais la personnalité et la nature divines ont l’une et l’autre leur racine dans le rien primordial, dans le mystère de la volonté infinie.

Qu’est-ce maintenant que Dieu crée, et quelles sont