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pénétration mutuelle ; bien plus, elle la suppose. Ce n’est que dans son union avec d’autres personnes qu’un être personnel peut se poser comme tel. En tant qu’un être se conçoit comme extérieur à d’autres êtres, il se pose dans l’espace et s’attribue l’individualité, cette ennemie de la personnalité véritable. L’égoïsme est la base de l’individualité ; c’est le don de soi-même qui fait la personne.

La génération de Dieu est maintenant accomplie. Dieu est la personnalité parfaite réalisée dans trois personnes dont chacune est à la fois la partie et le tout. Ces trois personnes sont le Père ou conscience de la force, le Fils ou conscience du bien, et l’Esprit ou conscience de l’accord qui s’établit en Dieu entre la force et le bien. Et en face de Dieu comme son œuvre et sa gloire, se déploie la nature éternelle, où sont réalisés tous les possibles, dans la mesure où ils expriment la perfection divine.

Telle est la doctrine de Boehme sur la naissance de Dieu. À travers les symboles théologiques et alchimiques dont elle s’enveloppe pour se manifester, n’est-il pas visible qu’elle a une signification et une portée philosophiques ? L’idée maîtresse de cette doctrine, c’est que la personne est l’être parfait et doit exister, et que, par suite, toutes les conditions de l’existence de la personne doivent elles-mêmes être réalisées. De ce principe tout le reste découle. Personnalité, dit Boehme, suppose pensée et action ; et pour penser et agir il faut être en