Page:Boutroux - Études d’histoire de la philosophie.djvu/25

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
21
SOCRATE

tiennent pour un physicien et un sophiste, c’est qu’ils ont été induits en erreur sur son compte par ses ennemis dès leur enfance[1]. En tout cas, prétendre éclairer le Socrate des dernières années par le Socrate du temps des Nuées, c’est chercher dans l’inconnu l’explication du connu.


Le point de départ de la doctrine à laquelle se fixa Socrate se trouve pour nous dans ses réflexions critiques sur les deux disciplines qui alors se partageaient les esprits, la physique et la sophistique.

Socrate ne s’est jamais adonné à la physique. Le témoignage de Platon[2] et d’Aristote[3] en fait foi comme celui de Xénophon. Mais il n’est pas douteux qu’il en ait pris connaissance. Il l’envisagea surtout en philosophe. Il ne tourna pas son attention sur les détails, sur les théories particulières qui vraisemblablement tenaient la plus grande place dans les recherches des anciens physiologues. Il s’en tint aux principes généraux qui commandaient tout le reste, à ces conceptions mécaniques ou dynamiques de la nature, qui induisaient les philosophes à tout expliquer sans recourir à des puissances surnaturelles. L’être est-il un ou multiple est-il en mouvement ou en repos est-il soumis au devenir et à la destruction, ou est-il

  1. Ch. ii, p. 18 c.
  2. Apol., ch. ii, p. 19, d.
  3. Mét., I, 6, 987, b, 1.