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nature sur laquelle Dieu s’appuiera pour se personnifier, elle constituera, en Dieu même, le fondement éternel de notre nature créée.

Telles sont les idées qui dominent le système de Boehme et lui impriment son caractère propre. Elles ont leur centre dans un principe que l’on peut formuler en ces termes : l’être se pose comme puissance en s’opposant, et comme réalité en se conciliant ce qui lui est opposé. Mais ces idées générales sont moins formulées à une place spéciale qu’elles ne sont mises en œuvre dans le développement du système.

Au commencement était le rien. Ce rien n’est pas l’absolu néant. Tout au contraire, c’est l’être même, c’est le Bien éternel, l’éternelle douceur et l’éternel amour ; mais c’est l’être en soi, c’est-à-dire non manifesté. Dans ce rien réside ainsi une opposition interne. Il n’est rien, et il est tout ; il est l’indifférence, et il est l’excellence. C’est pourquoi ce rien doit nous apparaître comme instable et vivant. Il va se mouvoir pour se concilier avec lui-même.

Le premier effet de l’opposition que nous venons de remarquer est la scission de l’infini primordial en deux contraires : le désir (Sucht) et la volonté (Wille). Le rien est désir, car il est mystère, et le mystère tend à se manifester : le rien est le désir de devenir quelque chose. Mais l’objet où il tend n’est pas indéterminé : c’est la manifestation et la possession de soi-même. Ainsi,