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Boehme part de ce principe, que Dieu, qui est mystère, veut se révéler dans la plénitude de son être, c’est-à-dire se manifester comme personne vivante et capable de créer. En tant qu’il poursuit la révélation de lui-même, Dieu veut et pose toutes les conditions de cette révélation. Or il y a, selon Boehme, une loi suprême qui régit les choses divines comme les choses humaines : c’est que toute révélation exige une opposition. Comme la lumière n’est visible que réfléchie par un corps obscur, ainsi une chose quelconque ne se pose qu’en s’opposant à son contraire. Ce qui ne rencontre pas d’obstacle va toujours devant soi et jamais ne rentre en soi, jamais n’existe manifestement, pour soi ni pour autrui. Et l’on peut, dans la relation du principe donné avec son contraire, distinguer deux moments. La simple présence du principe négatif en face du principe positif ne manifeste celui-ci que comme puissance ou possibilité. Si l’on veut que cette puissance devienne réalité, il faut qu’elle agisse sur le principe négatif, qu’elle le discipline et en fasse son instrument et son expression. Cette loi d’opposition et de conciliation gouverne la genèse divine. Si l’esprit divin doit se révéler, il ne restera pas en soi, mais il suscitera son contraire. Ce n’est pas tout : agissant ensuite sur ce contraire, il se l’assimilera et le spiritualisera. Boehme va donc engager Dieu dans une série d’oppositions. À mesure que se produiront les contradictions et les conciliations, à mesure se réalisera la personnalité divine. Et quant à l’essence contraire on