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théologie allemande, de Schwenckfeld et de Sébastien Franck ; et en même temps il a conçu, grâce à lui, l’idée d’une combinaison de la mystique et de la théosophie.

Boehme n’a pas lu seulement dans les livres, mais encore dans la nature. Tout ce qu’elle offre à nos yeux lui est un enseignement ; car la matière, pense-t-il, n’est pas un être à part, étranger à l’esprit : elle est l’esprit lui-même, révélé et visible. Les étoiles, le soleil, les éléments de la terre, la vie surtout, dans son origine et dans ses phases, l’arbre avec sa croissance, l’animal avec son désir et son instinct désintéressé, l’homme avec sa vie intérieure, sa lutte contre le mal, ses défaites et ses triomphes : Boehme contemple avec recueillement toutes ces choses ; et, dans sa communication immédiate et religieuse avec la nature, il attend que celle-ci lui infuse son esprit et lui révèle les mystères de l’être.

C’est l’être éternel, intérieur et vivant qu’il cherche en tout et partout. Aussi les phénomènes de la nature, comme les doctrines exposées dans les livres, sont-ils pour lui des signes à déchiffrer, non l’objet même qu’il s’agit de connaître. S’il lit et observe, c’est pour avoir une matière où son esprit s’appuie pour réfléchir. Dégager l’esprit de la lettre, saisir la force agissante au sein du phénomène inerte, pénétrer jusqu’aux sources premières de toute réalité, voilà l’effort de Boehme. Aussi l’expérience intérieure et la réflexion sont-elles, en définitive, ses vrais moyens d’investigation. Il est vrai qu’il est illuminé, que sa méditation est une prière et