Page:Boutroux - Études d’histoire de la philosophie.djvu/20

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
16
ÉTUDES D’HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE

porté à chercher dans Socrate le précurseur de Platon, et à solliciter sa doctrine, pour y trouver le germe de la métaphysique platonicienne. Rien d’étonnant qu’il prenne pour point de départ le texte où Platon lui-même relie sa théorie des Idées aux spéculations de son maître.

Dans cette recherche du caractère propre de Socrate, {lang|de|Ed. Zeller }} paraît s’être placé au point de vue de l’esprit absolu, Grote au point de vue d’un Athénien cultivé du ve siècle, M. Fouillée au point de vue de Platon. Qu’arriverait-il, si l’on se plaçait au point de vue de Socrate lui-même, si l’on se demandait ce que Socrate a pu être, non pour les autres, mais à ses propres yeux ? L’apôtre du γνῶθι σαυτόν devait se connaître lui-même. Nous nous croirions suffisamment instruits sur son compte, si nous le connaissions dans la même mesure.

Mais comment pénétrer dans l’âme de Socrate, puisqu’il n’a rien écrit ? N’est-ce pas la difficulté même de se placer à son point de vue qui conduit les historiens à chercher un point de vue en dehors de lui ?

La difficulté est peut-être en partie factice. Elle s’est surtout manifestée le jour où Schleiermacher mit en avant ce principe, qu’une exposition de la doctrine socratique, pour être fidèle, doit avant tout faire comprendre comment Platon a pu considérer Socrate comme le promoteur de son activité philosophique. On se mit à comparer à ce point de vue le Socrate de Xénophon avec celui de Platon et d’Aristote, et l’on trouva entre les deux une grande différence. Naturel-