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SOCRATE

sition de M. Fouillée[1] paraît dominée par la considération des pages si lumineuses du Phédon[2], où nous voyons Socrate reprocher à Anaxagore d’avoir laissé de côté, dans l’explication des détails du monde, cette intelligence ordonnatrice qu’il avait si sagement proclamée la cause universelle, considérer, quant à lui, toute explication purement mécanique comme superficielle, et ne se satisfaire que des explications tirées, en dernière analyse, des causes finales[3].

Mais d’où vient que chacun de ces auteurs s’est attaché à tel ou tel texte, de préférence aux autres ? On peut se demander si des préoccupations personnelles ou des habitudes d’esprit n’en sont pas en partie la cause. Un ancien hégélien comme Zeller, qui cherche avant tout la place des hommes et des doctrines dans le développement général de l’esprit humain, devait prendre pour principal guide Aristote qui justement met en relief chez ses prédécesseurs les idées qui ont préparé les siennes. L’historien Grote, qui veut nous montrer quel rôle ont joué les hommes célèbres dans l’ensemble de la vie sociale et politique de leur époque, devait s’appuyer surtout sur l’Apologie, tableau fidèle, semble-t-il, de la manière dont Socrate lui-même s’est dépeint devant ses concitoyens. Enfin le profond et éloquent interprète de la théorie des Idées, M. Fouillée, était naturellement

  1. La philosophie de Platon, t. I, p. 17 sqq.
  2. Ch. XLV sqq.
  3. Phédon, ch. xlvi, p. 97, b.