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46 LES TYPOGRAPHES.

Il y a encore le correcteur que l’on peut appeler amateur. C’est un étudiant peu fortuné ou un homme de lettres sans éditeur qui cherche passagèrement quelques ressources dans la lecture des épreuves. Il serait étonnant qu’il fût habile. Le correcteur femme existe aussi ; mais cette espèce, du reste très rare, n’apparaît jamais dans l’atelier typographique ; on ne l’entrevoit qu’au bureau du patron ou du prote. Nous n’en parlerons pas… par galanterie.

Au point de vue du caractère, le correcteur n’est pas exempt de certains défauts, qu’on relève d’ailleurs avec assez d’amertume ; mais ces défauts, on doit les attribuer plutôt à sa situation qu’à la nature. Il ne faut pas oublier qu’il est presque toujours un déclassé : aussi semble-t-il juste d’excuser plus qu’on ne le fait les correcteurs auxquels on serait tenté de reprocher leur caractère maussade, quelquefois peu bienveillant, plutôt porté à la tristesse et à la misanthropie qu’à la gaieté. Encore une fois, il faut se souvenir qu’avant d’en venir là ils ont souffert de pénibles froissements, éprouvé de nombreuses déceptions et lutté contre le mauvais vouloir de certains typographes dont ils sont, comme on dit, la bête noire. On a même été jusqu’à prétendre que le compositeur et le correcteur sont ennemis-nés. Cela a-t-il jamais été vrai ? Il semble, en tout cas, qu’il n’en est plus ainsi aujourd’hui. Ce sont tout simplement deux compagnons attelés à un rude et incessant labeur.

Les occupations du correcteur et la tournure habituelle de son esprit le rendent tout à fait impropre aux opérations les plus simples de la vie usuelle, et