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LES TYPOGRAPHES. 45

affirmer, sans crainte d’être démenti, qu’il n’y a peut-être pas un seul correcteur dans les cent imprimeries de Paris qui ait fait de cet emploi le but prémédité de ses études ou de ses travaux antérieurs. C’est par accident qu’on devient correcteur.

Souvent, c’est un compositeur intelligent qu’une cause quelconque éloigne de sa casse et qui se consacre à la lecture des épreuves. Ce correcteur est d’ordinaire plus typographe que lettré : les études indispensables lui font défaut ; il n’a pas fait ses humanités, comme disaient nos pères. C’est à la correction des premières et à la revision des tierces qu’il excelle. Nous avons connu un vieux reviseur de tierces tellement habile que la faute semblait lui tirer l’œil ; il lui arrivait assez fréquemment de relever sans lire une coquille échappée à l’œil du correcteur en bon.

Ou bien c’est un jeune homme sans fortune, élevé au collège ou au séminaire. Ses études achevées, il s’est trouvé en face d’un problème terrible : vivre. Il a été d’abord maître d’étude ou régent dans un collège de l’Université ; quelquefois, s’il sort du séminaire, il s’est engagé imprudemment dans les ordres et a plus tard quitté la soutane. Ces deux déclassés se sont longtemps débattus avant de trouver un asile. La typographie leur a ouvert ses bras accueillants. Ils s’y sont jetés, et, pour la plupart, ils y restent, s’efforçant d’acquérir ce qui leur manque au point de vue du métier et apportant l’appoint de leurs études antérieures et de leurs connaissances, qui s’accroissent chaque jour.