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LES TYPOGRAPHES. 33

s’endorment ; mais, fatalité ! l’un d’eux se réveille à un arrêt, descend, veut boire une tasse à la gare et laisse partir le train...., et le train emporte son camarade, lequel avait en poche les deux billets. Le malheureux est resté là deux jours, sans le sou, conduit chez M. le maire du village voisin, pataugeant dans la boue, presque pris pour un malfaiteur. Enfin, son billet lui ayant été renvoyé, il put revenir. On en fit, comme bien vous pensez, des gorges chaudes dans l’atelier. Mais le pauvre Joseph, un des meilleurs typographes que nous connaissions, ne s’est pas corrigé pour cela, et Henri, son complice, entré depuis dans les journaux, rit encore de cette escapade quand on la lui rappelle.


Autre exemple d’originalité.

Un vieux typographe eut un jour une fantaisie singulière. Comme les héros de l’aventure divertissante que nous venons de raconter, il se trouvait aux Halles, un dimanche matin. Quand fut venu le moment de rentrer chez lui, il s’aperçut que ses jambes flageolaient. Trouver un véhicule fut sa pensée dominante ; mais aller à sa recherche lui paraissait une fatigue au-dessus de ses forces. Alors il appelle un porteur qui passait avec sa large hotte, fait prix, se hisse dans la hotte, et porteur et porté se mettent en route : ils parcourent ainsi toute la rue de Rivoli et la rue Saint-Antoine jusqu’à la Bastille. Le typo se tenait tantôt accroupi dans la hotte, tantôt debout, haranguant les passants stupéfaits de ce nouveau mode de transport. L’histoire ne dit pas si le porteur