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24 LES TYPOGRAPHES.

qu’un ancien ministre apporta lui-même ses épreuves à l’imprimerie. C’était un dimanche ; l’atelier avait un aspect de propreté et de fête ; on eût dit qu’il attendait cette visite. Après s’être entretenu quelque temps avec les compositeurs, il se mit à examiner l’atelier en homme qui cherche à se rappeler : « La dernière fois que je suis venu ici, dit-il, c’était en 1836 ; mon metteur en pages était là ; » et il indiquait l’endroit. « Il avait dans les ordres un frère qui est devenu évêque ; il y a tantôt vingt-cinq ans de cela… Il s’est passé bien des choses depuis ; les hommes ont vieilli ; seul votre atelier a conservé la même physionomie… Il est toujours aussi sale… »

Le moment de la banque, c’est-à-dire de la paye, offre dans une imprimerie un coup d’œil curieux. Les bruits connus de l’atelier ont fait silence ; les ouvriers, revêtus de leurs paletots, forment, en attendant, des groupes recueillis ; le guichet s’ouvre : le prote appelle un à un les metteurs en pages, qui à leur tour distribuent à chacun de leurs paquetiers ce qui lui revient ; après les metteurs, c’est le tour des hommes de conscience ; puis viennent les conducteurs, qui reçoivent pour leur équipe ; les pressiers, le trempeur, le chauffeur et le brocheur, l’homme de peine et les apprentis. Enfin c’est le tour des correcteurs. Dans quelques rares maisons, le prote apporte lui-même à ces derniers le salaire de la quinzaine ; dans la plupart, ils passent, comme nous venons de le dire, les derniers, preuve de la haute considération qu’on leur accorde. De toutes parts retentit à cet instant dans l’atelier le bruit métallique de l’or et de