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LES TYPOGRAPHES. 19

ses pavés, ou s’attrapaient la hanche dans l’angle d’un banc ; le tout au grand amusement des singes et des ours. Jamais personne n’était arrivé sans accident jusqu’à deux grandes cages situées au bout de cette caverne, qui formaient deux misérables pavillons sur la cour, et où trônaient d’un côté le prote et de l’autre le maître imprimeur. Au fond de la cour et adossé au mur mitoyen s’élevait un appentis en ruine où se trempait et se façonnait le papier. Là était l’évier sur lequel se lavaient avant et après le tirage les formes, ou, pour employer le langage vulgaire, les planches de caractères ; il s’en échappait une décoction d’encre mêlée aux eaux ménagères de la maison, qui faisait croire aux paysans venus les jours de marché que le diable se débarbouillait dans cette maison… »

Voilà ce qu’était une imprimerie de province, il y a soixante ans. L’emploi de la vapeur a modifié cet aspect en quelques points et a donné à cette industrie un caractère d’usine qu’elle n’avait point autrefois. Empruntons donc au livre humoristique intitulé Typographes et gens de lettres, écrit par un enfant de la balle, le tableau animé d’une imprimerie contemporaine en pleine activité : « D’un côté, ce sont les machines qui dévorent d’immenses quantités de papier en grondant comme le dogue auquel on veut ravir sa proie. Les margeurs poussent négligemment, en chantant la chanson en vogue, les feuilles qui disparaissent immaculées pour venir tomber tout imprimées entre les mains des receveurs. Plus loin sont les imprimeurs, dernier vestige de l’ancienne impri-