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LES TYPOGRAPHES. 11

notre maître à tous… ; il faut être typographe quand le patron ne l’est pas ou ne peut l’être ; il faut avoir du goût pour ceux qui n’en ont pas ; il faut être correcteur quand celui-ci vient à manquer, à faire défaut ; il faut avoir l’œil typographique et saisir au vol ces fautes bizarres, singulières, qui échappent souvent à l’œil exercé, mais fatigué, du correcteur, et qui font le désespoir de l’auteur et la risée du public lettré. Il faut que le prote sache aussi la tenue des livres quand son patron ne veut pas initier un étranger à ses affaires, ou lorsqu’il est obligé, par économie, de se passer d’un commis. » Un tel prote, même réduit à ces modestes proportions, est encore, nous devons le dira, le rara avis. C’est ce que fera comprendre le passage suivant, emprunté à l’Encyclopédie Roret, et dans lequel un prote, qui a gravi et redescendu successivement les échelons de l’échelle typographique, exhale ses plaintes et retrace l’instabilité de la situation : « Le prote est l’esclave de la besogne ; à quelque heure que sa présence soit réclamée par l’urgence des travaux, s’il ne se conforme pas à ce besoin, son devoir n’est pas rempli complètement ; il est même telles circonstances où sa discrétion obligée l’expose à être comme une enclume sur laquelle frappent tour à tour et souvent à la fois auteurs, libraires, ouvriers, etc. La proterie offre un emploi fort ingrat d’ailleurs sous le rapport de son instabilité. Chargé pendant quelques années de surveiller un personnel parfois nombreux, de coopérer forcément à la réduction d’un prix, ou seulement d’empêcher sa hausse, de s’opposer aux abus ou de les réprimer, de débau-