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COQUILLES

Tout le monde connaît le proverbe : « Faute d’un point, ou pour un point, Martin perdit son âne. » Peu de personnes en savent l’origine.

Comme l’anecdote rentre dans notre cadre, puisqu’il s’agit de la transposition du point, nous nous faisons un devoir de la rapporter.

On assigne deux origines à ce proverbe. Selon quelques auteurs, un certain Martin, abbé de Sonane, en procès avec un ecclésiastique qui lui disputait son abbaye, perdit son procès parce que, dans l’acte de cession, on avait omis de mettre un point, ce qui changeait totalement le sens de la phrase.

Selon d’autres, un abbé d’Asello, en Italie, fit inscrire sur la porte de l’abbaye :

Porta, paiens esto. Nulli claudaris honesto.

(Porte, reste ouverte. Ne sois fermée à aucun honnête homme.)


Mais, par suite de l’ignorance du peintre, ce vers se trouva ponctué ainsi :

Porta, paiens esto nulli. Claudaris honesto.

(Porte, ne reste ouverte pour personne. Sois fermée à l’honnête homme.)

Cette inscription inconvenante fut signalée au pape, qui donna immédiatement l’abbaye d’Asello à un autre ecclésiastique.

Celui-ci corrigea la faute, et ajouta le vers suivant :

Uno pro puncto caruit Martinus Asello.

(Pour un seul point, Martin perdit Asello.)

Comme on le voit, cette expression proverbiale repose de toute manière sur un jeu de mots.