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110 COQUILLES.

telle constatation, et il ne serait par impossible que, contrôlé par un autre, l’ouvrage déclaré sans tache finît par en montrer quelqu’une. Aussi croyons-nous qu’il serait téméraire, pourquoi ne pas dire outrecuidant ? de signer sine menda. L’Anglais H. Johnson publia, en 1783, une notice relative à un nouveau procédé qu’il avait découvert et au moyen duquel l’erreur typographique disparaîtrait ; mais la notice elle-même contenait une coquille : on y lisait Najesty pour Majesty. Le célèbre Horace de Didot (1799), que l’on disait sans faute, en offrait une dès le début.

L’effroyable écriture d’un grand nombre de manuscrits est la principale cause des coquilles. En général, les plus mauvais calligraphes se lisent très bien eux-mêmes, et ils en tirent naturellement la conséquence que le compositeur les déchiffrera tout aussi bien qu’eux ; comme cette conséquence n’est rien moins que rigoureuse, il en résulte les plus affreuses coquilles.

Nous venons de dire que les auteurs, en général, parviennent à déchiffrer leur griffonnage. Or, c’est à dessein que nous nous sommes servi de cette expression, en général, qui n’a rien d’absolu, et c’est l’écriture de Jules Janin qui va nous prouver que cette précaution est prudente. Un matin, certain typographe du Journal des Débats arrive à l’ermitage de Passy, suant sang et eau, et place sous les yeux de son auteur une page de manuscrit dont il n’avait pu attraper miette. Janin saisit le feuillet d’une main triomphante, ajuste son lorgnon, essaye d’épeler, et… « Ah ! mon ami, ma foi, j’aurai plus tôt fait de recommencer une page de copie. » N’est-ce pas là le cas de dire avec Cicéron : Habemus reum confitentem ?