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DES ÉTUDES JURIDIQUES ET POLITIQUES.

groupe vivace, mais né d’hier, sans traditions, sans crédit, encore presque ignoré, en lui prenant tout son nom pour l’appliquer à un simple fragment détaché de sa masse. Le public croirait trouver en entier les sciences d’État où elles ne sont qu’en partie ; il ne les connaîtrait que dépaysées, transformées par une influence sans contrepoids, et le mal serait tout à fait sans remède, si cette éducation écourtée, cette discipline incomplète se trouvaient investies d’un monopole de fait ou de droit par les avantages et le prestige attachés à un grade ou à un diplôme officiels. C’en serait fait alors de l’indépendance et de l’avenir scientifique de toute une grande et noble famille de connaissances.

Il n’y a que deux explications de la fausse démarche où l’on paraît disposé à s’aventurer. Ou bien l’on croit que le droit public et l’économie politique épuisent l’idée qu’on doit se faire des études politiques ; que, s’ils ne l’épuisent pas, ils forment du moins à eux seuls un système qui se suffit, qui réunit toutes les conditions d’un groupe scientifique naturel et autonome, — nous avons montré le peu de fondement de cette hypothèse. — Ou bien l’on nourrit l’espérance d’agréger peu à peu, autour de ce premier noyau, tout l’ensemble des sciences d’État. À ce second et compréhensif projet, je n’ai rien à objecter théoriquement. Je ferai seulement cette remarque qu’un édifice doit être commencé par les fondations. Le premier soin à prendre serait donc d’introduire largement, d’organiser solidement dans les Facultés de droit cette partie des études historiques qui est la base des études politiques et leur boulevard. Lorsque cette place de ralliement et de soutien aura été construite, mais alors seulement, on pourra donner au droit public la très grande ampleur et l’indépendance qui autrement lui seraient des présents funestes. Dans ces termes, il y a là le plan d’une révolution qui pourrait être féconde, mais quelle révolution ? Rien que pour préparer des annexions si considérables, les Facultés de droit devraient pour ainsi dire cesser d’être elles-mêmes, renoncer à la signification de leur nom spécial, à leur mode de recrutement, à leur forte constitution traditionnelle, à l’esprit d’affirmation catégorique et d’autorité qui laisse une mordante empreinte sur l’esprit des jeunes gens, et se refaire en quelque sorte à l’image de ces Facultés allemandes de philosophie, dont le programme est comme une vaste Somme encyclopédique, aux limites incertaines et instables, aux méthodes variées, aux conclusions multiples et disparates. On ne voit pas les Facultés de droit, telles que nous les connaissons, présidant à cette sorte d’anarchie fédérative. Tout leur passé et, pour ainsi dire, leur