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DES RAPPORTS ET DES LIMITES

tout le système. Le droit romain est d’abord un recueil magistrat de maximes et de formules composant le plus précieux dépôt d’esprit juridique qu’il y ait au monde. C’est, en outre, l’exemplaire le plus instructif d’un droit vivant qui a été se transformant par évolution lente à travers les siècles. À ces deux titres, il résume et condense tout ce qu’il y a d’histoire et de philosophie dans les Facultés de droit. Comme pour le cours d’histoire du droit, il est question de réduire l’espace accordé à cette branche maîtresse de la science juridique. Tous les amis des hautes études verront avec inquiétude diminuer le temps qui lui est mesuré.

Un fait significatif a pu être observé à l’occasion du droit romain. Après la découverte des institutes de Gaïus et les admirables travaux de Savigny, la science française officielle s’est longtemps refusée à traiter ce droit historiquement ; elle s’est attardée à l’expliquer exégétiquement, d’une manière forte, mais ingrate et sèche. Elle a analysé les institutes de Justinien comme elle aurait fait d’un code actuellement en vigueur, qui est censé remplacer avantageusement et rendre inutile tout ce qui l’a précédé. Cette erreur a cédé à la pression de l’opinion et de la science libre. La méthode historique a obtenu à la fin le droit de bourgeoisie. On n’en saisit pas moins dans cette résistance l’effet des habitudes d’esprit contractées dans un long commerce avec le droit codifié.

L’introduction de l’économie politique dans le programme des Facultés, à titre de cours complémentaire a été l’acte d’un pouvoir intelligent et avisé. Le droit civil embrasse d’innombrables prescriptions réglant l’action de l’homme sur les choses considérées comme des biens, c’est-à-dire en un sens comme des richesses. Beaucoup de ces dispositions sont devenues surannées ou inutiles, et plusieurs sont en voie de devenir gênantes, dans le monde transformé dont la science économique analyse les rapports. La loi aurait perdu rapidement en efficacité et en crédit, si l’on avait laissé le légiste en tête à tête avec l’idée du juste, sans l’avertir qu’une partie importante de l’organisation sociale obéit de plus en plus à des nécessités nouvelles auxquelles une place ne saurait être refusée dans le droit écrit. Le voisinage d’un cours d’économie politique a donc exercé une influence excellente sur l’enseignement du droit privé. — Réciproquement, quelle influence le voisinage du droit privé a-t-il exercé sur la science économique ? Cette question capitale ne comporte encore qu’une réponse insuffisante ; mais, telle quelle, cette réponse n’est pas sans intérêt pour la solution du problème que nous agitons ici. Le droit et l’économie politique, définis d’après les ouvrages les plus récents des