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la terreur en macédoine

posés. Sur l’esplanade, s’élèvent quantité de maisonnettes ; séparées, bâties en argile et couvertes en chaume. Chacune d’elles, percée d’étroites fenêtres, en forme de meurtrières, est, avec ses murailles trapues, une sorte de petite forteresse. Au milieu, un vaste pavillon, bariolé de couleurs éclatantes, est surmonté du taugh, la bannière formée d’une queue de cheval.

À cette vue, Joannès sent comme une flamme ardente lui montera la face. Un frisson de colère le secoue de la tête aux pieds et il gronde sourdement :

« Marko !… oh ! bandit !… la revanche est proche… »

Quelques femmes circulent affairées d’une maison à l’autre, vont et viennent, portant des ballots, des caisses, des couffins tressés. Derrière les remparts, bien abrités et complètement invisibles, des hommes veillent, tapis au pied des blocs. Nul ne bouge et ne fait un mouvement susceptible de trahir sa présence.

En face, de l’autre côté de l’esplanade, se profile, entre deux précipices, une mince arête rocheuse, large de deux mètres, et qui serpente jusqu’aux gorges les plus inaccessibles des plus hautes montagnes.

Et Joannès pense à part lui. :

« C’est la ligne de retraite, un véritable chemin de chèvres…

« Cette forteresse est bien défendue, et je m’en souviendrai. »

Ils restent quelques minutes immobiles à contempler ce spectacle étrange, ces allées et venues des femmes, cette immobilité des hommes tapis comme des fauves à l’affût, et attendant l’ennemi.