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la terreur en macédoine

« Il y a pour moi une chance sur mille de le retrouver… garrotté comme il l’est, il a dû couler à pic, comme une pierre…

« Peut-être vit-il encore, pendant que nous bavardons comme de vieilles femmes…

« Mort ou vif, je le ramènerai… non pour que tu m’épargnes… mais pour faire mon devoir. »

Marko abaisse lentement son arme et répond froidement :

« Va ! »

Nikol, demeuré à cheval, quitte ses étriers, arrache ses armes, son manteau, et d’un seul bond s’élance au milieu des flots la tête la première.

L’eau bouillonne, puis se referme en cercles mouvants, et les secondes s’écoulent, interminables, angoissées… Une minute se passe… deux minutes… trois minutes…

Muets et tout crispés, les Albanais se regardent tristement, et l’un d’eux, résumant leur pensée à tous, murmure :

« Il ne reviendra plus !…. pauvre Nikol !… »

Marko promène sur eux, sur la rivière, sur la plaine, un regard soupçonneux. Ces hommes de proie, comme les fauves, se défient de tout et de tous.

Une clameur vibrante le fait sursauter. Le cheval de Nikol, un magnifique alezan doré, arc-bouté au-dessus des flots, allonge sa tête fine aux grands yeux de gazelle. Il respire par saccades, et, ne sentant plus, ne voyant plus son maître, pousse un hennissement prolongé, d’inquiétude et de douleur.

Le léopard le flaire, s’approche et lentement se met à lécher son flanc.

Marko s’aperçoit alors que le cheval saigne abon-