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la terreur en macédoine
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Tout à coup, le cheval de Nikol fait un écart violent, bronche et se cabre. Il se débat dans l’eau qui rejaillit en pluie, s’effare, quitte la direction du gué, puis, brusquement, malgré les efforts de Nikol, roule dans un trou. Cavalier, monture et prisonnier disparaissent dans un remous, près des roseaux qui oscillent.

« Malédiction ! hurle Marko ; tiens bon, Nikol… et veille au prisonnier… »

Le trou est profond, vaseux, d’aspect sinistre sous la grêle et mouvante futaie. Nikol est un cavalier habile, son cheval est plein de vigueur. Homme et bête ont longtemps couru les aventures, s’aiment, se comprennent.

Impossible d’ailleurs de les aider, la configuration du gué, une simple arête pierreuse, rendant vain tout secours. Pendant que les deux groupes achèvent lestement la traversée, l’eau devenue trouble bouillonne, les roseaux s’agitent comme sous la poussée d’un tourbillon intérieur.

Droit et ferme en selle, Nikol reparaît, étreignant de ses jambes nerveuses le cheval qui souffle et s’ébroue. Soutenu, dirigé par son maître, l’animal se met à nager et atteint bientôt la rive. Il s’agrippe des pieds de devant à la berge et tente de s’enlever… Alors, un cri de rage et de terreur échappe à Nikol…

« Le diable m’étrangle… le prisonnier… »

Ce drame s’est accompli en une demi-minute. Nul n’a rien vu là qu’un accident périlleux et Nikol lui-même, pris au dépourvu, se sentant rouler dans l’abîme, cédant à l’instinct de conservation, a pour un moment oublié Joannès.

« Eh bien ! le prisonnier… quoi ?… » hurle Marko qui craint de comprendre.