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la terreur en macédoine

échapper ainsi aux supplices que lui réserve une vengeance aux raffinements mystérieux ?

« Il vit toujours, n’est-ce pas, Nikol ? » demanda-t-il de sa voix aux vibrations de cuivre.

Nikol sourit et tire son poignard. De la pointe il fouille la plaie produite à l’épaule de Joannès par les crocs du léopard. Le blessé pousse un râle étouffé, puis une plainte, un gémissement aigu qui fait dresser les oreilles au cheval et grogner le lucerdal.

« C’est bien, Nikol, c’est bien, répond Marko avec son mauvais rire.

« J’avais tort de m’inquiéter… notre homme a la vie dure et il nous amusera longtemps. »

Chose étrange, ni la torture infligée à Joannès ni la terrible menace du bandit ne semblent émouvoir Nikéa. Insensible à tout, elle conserve sa morne inconscience, comme si sa raison avait sombré dans le drame qui vient de s’accomplir.

Et Marko, dont le front se plisse, grogne entre ses dents :

« Est-ce qu’elle serait folle ! »

Il hausse les épaules et commande brièvement :

« Au trot ! »

Les chevaux impatients, qui mâchonnent leur mors, s’élancent et contournent Prichtina. Ils s’engagent dans le lit desséché d’un ruisseau, le seul chemin qui coupe la plaine brune, envahie par les chardons.

Deux heures s’écoulent dans un silence complet. Le soleil vient de se coucher, la nuit va venir. Le lit du ruisseau s’élargit brusquement. Des émanations humides saturent l’air et annoncent la proximité d’un cours d’eau.

Quelques foulées encore, et voici le cours d’eau.