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Quand il torture les gens, quand, avec son dilettantisme sensuel et fantasque, il leur soutire leur argent pièce à pièce et leur sang goutte à goutte, il offre le plus extraordinaire mélange de fureur et de goguenardise, de cordialité sournoise et de férocité affable.

Avec cela, des mots d’une cocasserie épouvantable, des ripostes de bourreau facétieux, des supplices baroques et atroces dignes d’un cerveau de primitif et de névrosé.

Tel est ce Marko qui synthétise aujourd’hui cette lignée de beys albanais, l’éternel fléau de la Macédoine.

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La troupe des pillards, son effroyable besogne achevée, s’avance au pas, bannière en tête, dans la direction de l’Ouest. Les pillards, manifestement, regagnent leur inviolable asile de la montagne.

Jeté en travers de la selle de Nikol, comme un sac, Joannès paraît évanoui. Jambes et tête ballantes, le malheureux jeune homme, tout congestionné, excite les ricanements de la horde mise en gaieté par les terribles menaces du chef.

Nikéa, maintenue à demi assise par Marko, respire faiblement. Mais ses yeux ont une expression étrange. Ils ne se fixent nulle part et demeurent insensibles aux rayons du grand soleil qui flamboie. On dirait ce regard atone et en quelque sorte intérieur des hypnotisés ou des déments.

Marko la contemple avec orgueil, et par moments abaisse haineusement sur Joannès ses prunelles aux reflets d’acier.

Pourtant, cette immobilité de sa victime commence à l’inquiéter vaguement. Si Joannès allait mourir !…