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la terreur en macédoine

et raffiné, ils tailladent les paupières, se donnent la joie hideuse d’épier le dernier regard mouillé de sang et de larmes, et qu’obscurcit la terreur, du néant tout proche !

Et ces hommes ainsi torturés sont des blessés dont la chair est lacérée, dont les membres sont rompus, dont le sang généreux coule et s’épanche en filets rouges !

Puis, brusquement, les regards s’éteignent, les pointes fouillent les orbites, et la nuit se fait sous ces fronts de martyrs !

Des gémissements, des plaintes, des râles s’échappent de ces bouches convulsées. Et cette épouvantable symphonie de la douleur fait ricaner Marko qui jubile et s’esclaffe bruyamment.

Joannès, blessé par le léopard, se dit :

« C’est mon tour ! »

Fier et hautain, il regarde intrépidement Marko, puis ses yeux se reportent, attendris, sur Nikéa, comme pour emporter, dans la nuit sans fin, l’image adorée.

« Non, plus tard », dit Marko qui intercepte ce regard chargé d’amour et ricane de plus belle.

Puis il ajoute :

« À présent, pendez-moi tous ces braves garçons… mais par les pieds !…

« Vous entendez, par les pieds !

— Misérable ! gronde le vieux Grégorio.

— Patience, vieillard, tu auras ton tour. »

Les Albanais saisissent les blessés, auxquels ce brutal contact arrache des hurlements de douleur. Puis, froidement, comme le feraient des bouchers qui suspendent des quartiers de viande, ils accro-