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la terreur en macédoine

Il s’écrie, goguenard et féroce :

« Ah ! mais non… pas de ça !… il faut les couper.

« Cinquante hommes sur la droite… cinquante sur la gauche et le reste au centre.

« Je veux les rabattre vers la montagne… les mener de gré ou de force chez moi !… chez nous, n’est-ce pas, Hadj… où nous leur offrirons une hospitalité de choix. »

En entendant son nom, le léopard gronde, comme s’il comprenait ces paroles cruelles de son redoutable maître.

« Le misérable ! dit Joannès en voyant cette manœuvre, il nous gagne de vitesse, et la plaine, c’était pour nous le salut ! Allons donc vers la montagne et quoi qu’il arrive ! »

Et la poursuite continue, dans les mêmes lieux et les mêmes conditions que l’année précédente, alors que Joannès, Michel et Panitza, montés sur les chevaux des gendarmes turcs, s’enfuyaient, poussés invinciblement vers le nid d’aigle où s’abrite le clan de Marko le Brigand.

« Crevons les chevaux, mais gagnons du terrain ! » hurle Joannès.

Le lit desséché du torrent s’ouvre devant eux. La petite troupe s’y engouffre d’un train d’enfer. Au bout de cinquante pas, un homme oscille sur sa selle et va tomber. C’est le blessé, Darnia, le patriote au bras cassé par la balle. Jusqu’alors il a pu se soutenir par un miracle d’énergie. Maintenant, il n’en peut plus… il sent la chute prochaine sous les pieds des chevaux affolés. Un de ses camarades le happe en quelque sorte au vol et le soutient. Et malgré tout, la fuite se ralentit.