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la terreur en macédoine

avec indignation. Pendant des mois, journellement, elle a imploré pour les malheureuses victimes la compassion du monde civilisé. Un grand mouvement d’opinion s’est opéré, auquel, du moins en apparence, les gouvernements ont participé. On a osé faire, par voie diplomatique, au sultan, quelques timides observations. On a même eu l’audace de lui demander de vagues réformes…

Naturellement, il a promis tout ce qu’on a demandé, plus même qu’on n’a demandé. Mais, comme l’Oriental ne croit et n’obéit qu’à la force, le sultan s’est moqué de cette pitié platonique et a ordonné de nouveaux massacres. On n’attend plus qu’un signal, un incident, pour mettre, une fois de plus, la Macédoine à feu et à sang.

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Conduite par les âniers, la caravane a repris sa marche. Gens et bêtes, essoufflés, traînant qui la jambe, qui la patte, arrivent enfin à Egri-Palanka. Un peu en dehors du bourg, un vaste enclos, de solides murailles, une haute cheminée d’usine, des bâtiments couverts en tuiles. C’est la distillerie.

Une porte épaisse en chêne s’ouvre au bruit des sonnailles qui accompagne le roulement du trot. Les ânes s’engouffrent dans une cour. Une vingtaine d’hommes vigoureux, en bras de chemise, accourent. Probablement les ouvriers de l’usine. Des cris de joie saluent cette arrivée tumultueuse des âniers.

« Ah ! vous voilà !… quel bonheur !… Sains et saufs !… bravo !… »

Subitement, le vieux Timoche se métamorphose. Sa taille se cambre, sa tête se redresse et ses yeux atones s’animent.