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milieu de ce carnage qu’il symbolise en quelque sorte. Il brandit une faux rouge de la pointe au talon et contemple un moment l’affreuse boucherie qui est son œuvre.

Cet homme, c’est Joannès !

Son regard de flamme se relève, parcourt l’enceinte et se reporte sur ses amis, ses parents, les gens de cette noce interrompue si dramatiquement. Groupés devant un hangar, il les voit grelotter de terreur, n’osant ni avancer ni reculer, et comme figés sur place. Un lamentable troupeau humain paralysé par l’immonde peur et qui oscille, sans volonté, sans dignité.

L’un d’eux balbutie d’une voix éteinte, résumant leurs terreurs et leur passivité :

« Frère !… oh !… qu’as-tu fait… tu as déchaîné… le fléau… le pays sera mis à feu et à sang !… Frère !… les hommes de la montagne viendront en foule… nombreux… affamés et féroces comme des bandes de loups.

« Nos moissons… nos maisons… notre bétail… et nous-mêmes… nos familles… il ne restera rien… Frère !… tu nous as perdus !… Que Dieu nous protège… nous n’avons plus d’espoir qu’en sa pitié ! »

Lui voudrait leur infuser cette intrépidité qui bouillonne dans ses veines, les mener à la bataille, engager à leur tête la lutte ardente, sans merci, qui seule peut les sauver.

Sa terrible besogne l’absorbe. Elle emploie toute sa vigueur, toute son attention. Il n’a pas le temps de leur jeter un mot et ne peut que prêcher d’exemple, en sacrifiant sa vie.

Le voilà près de l’étendard. Le taugh redouté et