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la terreur en macédoine

sion des champs de roses qui s’étalent sur les coteaux sablonneux du versant bulgare. Partout, c’est l’opulente floraison de cette rose de Thrace qui fournit le parfum précieux, l’essence embaumée dont chaque goutte se paye à prix d’or.

La culture de la rose est l’industrie de ce petit coin ensoleillé. Elle réussit bien. Et sans prétendre rivaliser avec celle de Kazanlik, cette industrie locale est lucrative et elle apporte l’aisance à ceux qui s’y adonnent.

On est déjà en pleine moisson.

De tous côtés des gens heureux, solides, bien nourris, l’œil clair et la chanson aux lèvres évoluent agilement. Ils s’en vont, un panier au bras, cueillir les fleurs d’un joli rouge pâle, aux corolles emperlées de rosée.

Pendant ce travail qui est une partie de plaisir, les petits ânes gris, affectés au transport de la précieuse denrée, attendent gravement, les oreilles mobiles et la queue frétillante. Pas de voiture. Pas de lourd et encombrant chariot. De chaque côté du bât, l’âne porte, solidement attachée, une vaste manne d’osier à fond plat et très profonde.

Quand le panier des moissonneurs de fleurs est plein, chacun vient le déverser dans la manne. Et ce sont des cris joyeux, des rires sonores, avec une claque d’amitié aux baudets dont la tumultueuse allégresse se déchaîne en rafales de braiements.

Quand les mannes sont archicombles de fleurs un peu tassées, des cortèges se forment. Les ânes se mettent à la file et s’en vont soit chez leur maître s’il fabrique lui-même l’huile de roses, soit à la distillerie voisine qui achète les fleurs et les paye en argent.