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la terreur en macédoine

« Le pont est abaissé… le passage est forcé… les Turcs !… »

Les guetteurs, une douzaine environ, évacuent en tumulte la redoute et crient, épouvantés :

« Seigneur !… ayez pitié de nous… les Turcs !… les Turcs !…

Toute pâle, les yeux flamboyants, la jeune femme court au précipice. Elle tient une bouteille de chaque main et dit, les dents serrées :

« Ah ! cela éclate au choc !… Eh bien ! nous allons voir… ce sont mes bombes, à moi ! »

Les fuyards, interdits, la regardent, sans comprendre. Le pont est en place au-dessus de l’abîme. Baïonnette au canon et poussant des clameurs effroyables, les Turcs l’ont déjà envahi.

Les bandits marchent par quatre de front… Ils ne sont pas à dix mètres du bord…

Intrépide, sacrifiant sa vie pour le salut de tous, Nikéa fait face aux envahisseurs qui la regardent interdits.

Quelqu’un l’a reconnue à sa vaillance et à sa beauté surhumaine. Une voix vibrante s’élève et domine l’infernal tumulte :

« Prenez-la vivante !… mille bourses à qui l’amènera vivante ! »

Elle éclate d’un rire terrible et, au risque d’être pulvérisée sur place, brandit à toute volée ses deux bouteilles. Puis, à trois secondes d’intervalle, elle les lance droit devant elle !

Deux détonations retentissent coup sur coup. On dirait le bruit de deux batteries d’artillerie. Une fumée intense enveloppe le pont balayé comme par un cyclone !… Ne distinguant rien, assourdie, la res-