Page:Boussenard - La Terreur en Macédoine, Tallandier, 1912.djvu/262

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
257
la terreur en macédoine

« Si pourtant je me trompais !…

— Non !… non !… c’est impossible ! reprend avec feu la jeune femme… Ton génie triomphera des obstacles… tu briseras les murs de notre prison… tu nous rendras libres et, par nous, tu émanciperas la Patrie. »

Nikéa porte sur ses cheveux d’or une légère écharpe de soie. D’un geste très doux et très lent, Joannès la retire et, sans mot dire, en trempe l’extrémité dans le liquide fumant.

Soudain, la soie d’une belle couleur pourpre devient d’une jaune éclatant. C’est là un des signes distinctifs, on pourrait dire infaillibles, de l’acide azotique.

Et cette fois, Joannès ne conserve plus ni doute ni hésitation.

Oui, ce liquide fumant qui s’épanche en un filet si ténu, mais ininterrompu, de la masse d’argile et de salpêtre, c’est bien l’agent essentiel de la fabrication de la nitroglycérine.

Et ces braves gens, ouvriers inconscients, du grand œuvre, poussent un long cri d’allégresse, en apprenant que bientôt leur chef va s’attaquer corps à corps à la montagne.

Joannès jusqu’alors a vécu comme dans un rêve.

Toutes ces combinaisons, tous ces calculs, tous ces agencements avaient tellement absorbé ses facultés, qu’il ne voyait rien, ne sentait et ne comprenait rien, en dehors de cette chose formidable et libératrice : la dynamite !

Maintenant, la nature reprend ses droits et le héros, l’illuminé, a faim ! comme le plus ignorant de ses volontaires, une faim atroce.

Simplement, presque naïvement, il demande à manger.