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la terreur en macédoine

« Voyons, mettons, pour l’intérêt, dix autres sequins… C’est donc vingt sequins d’or que tu me verseras dans une heure.

— Filou !… assassin !… bandit !… fils de truie !… Où veux-tu que je vole cette somme énorme ! s’écrie le vieillard exaspéré, perdant soudain toute mesure.

— Silence ! commande Marko avec un sang-froid terrible, et n’oublie pas que les injures se payent à part !

— Encore payer…toujours tondus… toujours écorchés ! L’impôt… les vivres… l’argent… l’or… et puis quoi encore ?… Notre sang !… Notre vie !

« Je n’ai plus rien et tu ne l’ignores pas… pendant trois longues semaines tu es venu t’installer ici, avec tes brigands et leurs chevaux… vous avez bu, mangé, pillé, ravagé…

— Ton hospitalité fut en effet abondante, généreuse et, pour tout dire, magnifique !

« À tel point que nous nous sommes usé les dents, comme le témoigne cette mâchoire d’un de mes apôtres, mort d’indigestion.

« Tu trouveras donc juste que je te réclame une indemnité pour l’usure de nos précieuses mâchoires[1].

— Oh ! tu peux demander… exiger… prendre de force !

— Je demanderai seulement, parce que je suis un homme bien élevé.

« Voyons, trente sequins d’or, est-ce assez ?

  1. Quelque étranges que semblent ces faits, l’auteur déclare qu’il n’invente ni n’exagère. Ces exactions des Albanais sont relatées dans le magistral ouvrage de M. Victor Bérard, l’éminent écrivain qui connaît si bien les questions orientales. (La Macédoine, Armand Colin, Paris.)