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la terreur en macédoine

Le vieillard étouffe ses plaintes, sa fille tamponne le sang qui ruisselle, pendant que son beau-fils le soutient et le réconforte.

Marko ajoute froidement :

« Nous disons : cent piastres pour, les moutons… cent piastres pour le vin… cent piastres pour le blé. »

Le vieillard, anéanti, fait un signe d’assentiment et ajoute d’une voix brisée :

« Tu le veux… tu abuses de ta force… je payerai… mais je ne sais pas où je trouverai ; cet argent !

— Tu es le mouktar du village… fais comme moi… : parle sérieusement à tes administrés… trouve de bons arguments dans le genre des miens…

« Mais continuons : je ne voudrais pas perdre un temps qui, au dire des chrétiens, est de l’argent. »

Le bandit, à ces mots, débouche les deux cartouches : chacune renferme dix grains de plomb.

« Ces grenailles, dit-il, représentent l’impôt, en argent, car les trois cents piastres, c’est l’impôt en nature… un sequin d’or par grain de plomb, cela me fait dix sequins d’or. Il me les faut !

— Une pareille somme… balbutie Grégorio à un malheureux qui n’a même pas dix piastres !…

— Tu ne m’écoutes plus, mon cher Grégorio… il faudrait me prêter une seconde oreille aussi attentive que la première… Un mot de plus…

— Tue-moi donc tout de suite !

— Ne dis pas de bêtises !… Je suis ton ami et ma générosité me pousse à te faire crédit… un long crédit !… une heure ! une grande heure !… Vois si je suis bon !

« Mais aussi, tu me payeras l’intérêt… les : affaires sont les affaires, n’est-ce pas !