Page:Boussenard - La Terreur en Macédoine, Tallandier, 1912.djvu/13

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
8
la terreur en macédoine

haute extraction, moi Marko, bey de Kossovo et pacha de la montagne ?…

— Ce n’est pas… ce que je voulais dire… seigneur… mais je vous attendais seulement demain… jour de Saint-Michel, pour…

— Pour le tchelel, mon impôt… nous savons cela et nous en causerons dans un moment…

« Mais assez d’histoires ! vite à boire… beaucoup à boire… à manger… beaucoup à manger pour mes douze apôtres… ils veulent rattraper le temps perdu… Quant aux chevaux, de la litière jusqu’au ventre… de l’avoine et du maïs plein les auges…

« Et vous, mes braves, pied à terre ! »

L’homme qui parle ainsi en maître et dont l’arrivée sème partout la terreur est un Albanais pur sang. Un bandit, certes, mais un bandit gouailleur, hautain, superbe et formidable.

Vingt-cinq ans à peine, beau comme un demi-dieu de la Grèce païenne et musclé comme un gladiateur antique. Une tête d’une énergie sauvage, avec des yeux gris d’acier, froids et luisants comme des lames de sabre ; un nez à la fière courbure aquiline et cette coupe audacieuse du profil des grands rapaces ; sa chevelure fauve s’ébouriffe en crinière sous le tarbouch à gland noir ; et ses moustaches, fauves aussi, retombent en longues pointes jusqu’à l’arête brutale des mâchoires.

Il porte avec une aisance qui n’est pas sans noblesse un costume éclatant d’une magnificence théâtrale. Veste écarlate soutachée d’or, sur laquelle se croisent deux cartouchières aux étuis bourrés de cartouches ; culotté bouffante et jambières en drap rouge, vaste manteau blanc qui retombe en plis harmonieux,