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la terreur en macédoine

— Ouf ! il était temps… une seconde de plus…

— Et moi, ajoute Nikéa, j’ai besoin de reprendre mes esprits… je ne sais plus… il me semble que j’ai fait un affreux cauchemar.

— Hélas ! le cauchemar de la vie réelle.

— Oui, tout s’arrête pour moi au moment où, là-bas, du bord de la rivière, je te vis disparaître dans les flots.

« Rien ! plus de souvenir… j’ai senti un choc d’une violence terrible, puis une sorte d’anéantissement de l’âme… je n’étais pas morte et cependant je ne vivais plus.

« Du reste, je ne souffrais pas, mais je n’avais conscience de rien. Cela dura jusqu’au moment où je te reconnus… devant la ligne, des fusils qui allaient vomir la mort… près du précipice qui allait engloutir vos cadavres.

« Brusquement je sentis un nouveau choc. Oh ! plus terrible encore, s’il est possible, que l’autre où avait sombré ma raison. Et soudain, avec la terreur du néant qui allait vous prendre, la pensée me revint… Alors, ce fut une résurrection instantanée et un cri m’échappa.

« Le cri libérateur qui fut notre salut à tous les quatre. »

Arrachés à une mort inévitable, ceux qui vont devenir les premiers soldats de l’indépendance macédonienne pressent le pas et atteignent enfin la Sitnitza. Au moment de franchir le gué, Joannès et Michel asseyent Nikéa sur leurs épaules, puis, précédés de Panitza qui éclaire la marche, ils s’immergent résolument.

Ils avancent avec précaution et franchissent la