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la terreur en macédoine

qu’il court… l’anéantissement immédiat, irrémédiable qui va suivre la fusillade, la volonté de le sauver ou de mourir avec lui, tout cela réveille comme un coup de tonnerre la pensée endormie peut-être pour jamais !

En même temps, avec la vue du danger, le sang-froid revient à la jeune femme.

Un sang-froid inouï, surtout en pareil moment.

Tout en étreignant Joannès, elle a le temps de lui dire à l’oreille :

« Surtout, ne me reconnais pas… tu ne m’as jamais vue… ni Michel, ni Panitza… vous ignorez qui je suis… je vais vous sauver !… »

Alors, feignant de nouveau la folie, elle prononce des mots incohérents, des phrases sans suite où reparaît de temps en temps ce nom de Joannès qui vient de lui échapper en recouvrant la raison.

Puis, elle prend par la main Michel et Panitza, les réunit à Joannès, les groupe, les entoure de ses bras en disant :

« Je veux qu’ils vivent !… je veux qu’ils soient sacrés pour tous… je veux qu’ils soient libres ! »

Les hommes du peloton d’exécution reculent et balbutient d’une voix sourde :

« La folle a parlé !… La folle est inspirée d’Allah !… c’est Allah qui parle par sa bouche. »

La foule s’écarte, émue, troublée, en proie à une vague terreur. De tous côtés on dit avec une sorte de frémissement :

« La folle a parlé !… Dieu le veut !… Dieu est grand !… »

Cependant Marko, sans être un esprit fort, est un peu plus sceptique. Cette intervention lui semble