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la terreur en macédoine

figure et remonte jusqu’à ses yeux, et ses longs cheveux blonds se déroulent en même temps, lui faisant un opulent manteau dont serait fière une impératrice.

Bondissant, ou plutôt glissant sur la rocaille, elle arrive à la ligne des fusils. D’un geste elle écarte les armes, d’un regard elle fait reculer les hommes, d’un mot elle disloque leur rang !

« Bas les armes !… ou malheur à vous ! »

Les soldats improvisés se mettent à trembler. Intrépides devant une lame de sabre ou le canon d’un fusil, ces sacripants, ces hommes de sac et de corde, ces tortionnaires, ces bandits éprouvent une terreur sans nom.

Ils se regardent effarés, laissent retomber lourdement à terre la crosse de leurs carabines et pour un peu prendraient la fuite.

Pâle, tragique, échevelée, la jeune femme se jette dans les bras de Joannès et l’étreint éperdument, pendant que Michel et Panitza murmurent attendris :

« Nikéa !… notre sœur ! »

Elle contemple longuement Joannès avec une tendresse passionnée. Joannès qu’elle a reconnu, sous la défroque du zaptié, malgré les déchirures de sa face, malgré les ecchymoses qui le défigurent, malgré le sang coagulé en escarres à ses plaies.

Mais, ô prodige accompli par l’amour ! les yeux de la jeune femme n’ont plus ce regard terne et fixe des déments. Ses yeux troubles d’hypnotisée luisent, brillent, pétillent d’intelligence. Et c’est le choc formidable imprimé au cerveau de Nikéa qui a enfanté ce prodige.

Brusquement la lumière s’est faite dans cette intelligence en sommeil ; Joannès reconnu… le péril mortel