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la terreur en macédoine

eur… Et puis, en donnant largement d’une main, tu aurais repris, plus largement encore, en assassinant.

— Tu mens ! fils de truie.

— Lâche !

— Moi !… Marko !… un lâche…

— Oui, je le répète : un lâche !…

À cette insulte proférée d’une voix éclatante devant tout le clan rassemblé, un rictus effrayant contracte la face du bey. Ses yeux s’injectent, ses moustaches se hérissent, et des plaques livides marbrent ses joues.

Pour un moment, il perd toute mesure, tout sang-froid. Il grince des dents avec une telle force qu’on les entend craquer. Il serre les poings, trépigne sur place et pousse quelques cris étranglés de bête en furie.

« Assez !… assez !… triple fils de chienne… et de pourceau… je vais te faire déchirer par mon lucerdal.

— « Hadj !… ici… Hadj !… »

Le léopard bondit, tombe en arrêt, l’œil clignotant, les oreilles couchées sur la nuque, et pétrissant de ses ongles la terre durcie.

D’un violent effort, Joannès, accroupi, parvient à se mettre sur ses pieds. Il se dresse fièrement devant les deux fauves, l’homme et le léopard, et les regarde face à face, intrépidement.

Mais Marko ne lance pas le cri familier, ce signal d’égorgement auquel obéit le lucerdal avec sa frénésie sensuelle d’animal de proie.

Il hurle de nouveau :

« Non !… ce ne serait point assez !

« Ce qu’il me faut, c’est te hacher menu… me repaître de ton agonie… me divertir de tes plaintes… me soûler de ton sang ! »