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soit. Riche des leçons que j’avais reçues de Monsieur Sureau, je n’ai voulu qu’inaugurer une façon de sentir.
Celle que j’aime est toujours avec moi, je la regarde avec toute ma chair à chaque instant. C’est peut-être parce qu’elle est jolie, peut-être parce qu’elle est elle, je ne sais.
Son corps inaugure le jour. Il me semble que je ne le toucherais pas sans faire disparaître l’espace qui me l’apporte ; mais il est la clarté vivante et comme le salut de l’espace où il disparaît.
Son corps n’est jamais avec moi dans mon amour. Il brille dans une profondeur dont je suis sorti et à laquelle il me faut tourner le dos si je veux continuer à vivre. C’est dans cette profondeur et par conséquent en dehors de moi que je le touche. Je me sentais faible comme après l’absorption d’un stupéfiant. Ce n’était que dans la vivacité d’une image que résidait la force qui me tenait debout.


Un visage qui a trop de poids dans mes yeux pour exister ailleurs que dans mon cœur, je crois le voir et c’est mon amour que je vois, c’est-à-dire mon regard même.
Je m’appuyai à une vitrine. Celui qui a une femme dans la peau n’est plus que l’ombre de lui-même. Je me sentais réduit à rien par l’importance que