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CHAPITRE II


Ma femme est si belle que je ne peux pas être ému sans qu’elle se montre et que sa beauté me dise qu’elle est de moitié dans mon émotion. Et, même dans ma pensée, il y a quelque chose que je ne peux comprendre qu’à la condition de lui en donner sa part.
Mais je ne voyais d’elle que son air, une mine de femme heureuse où sa face se révélait comme par enchantement. Cela venait de mon regard, ou bien sa beauté l’avait voulu ainsi. Son visage est toujours couvert en effet de la lumière qu’elle est pour moi ; et je ne l’aperçois que lointain comme une étoile dans la transparence qu’elle est au devant d’elle-même. Si je la revois en esprit, c’est en ne me souvenant que de son éclat, et je ne sais jamais si ma mémoire la retrouve ou si mes yeux se sont perdus avec elle dans les clartés qui la leur cachaient.
Machinalement, j’abaissai les vitres de mon taxi. Il me semblait que je devais respirer l’odeur des boutiques et des arbres, mon souffle embrasserait le feu du monde, je croyais que mon souffle enveloppait