l’éclat d’un regard qui veillait sur elle. « Couchons-nous ».
Elle remettait ses bracelets, se poudrait le
nez, on allait donc pouvoir dormir.
Elle dormait. Et moi, j’étais avec son parfum de
femme dans la chambre où son sommeil l’égarait,
dominait de son souffle égal le bruit léger que faisait
l’étendue en se retirant. Un silence, cependant, montait
jusqu’à moi, pénétrant mon cœur d’une quiétude
sans limite, chaque chose effaçait son nom, un même
apaisement me venait de tout. La chaleur claire de
cette pièce où nous passions nos heures d’intimité et
l’eau paresseuse de tant de formes familières que je
voyais la meubler, le tictac de la pendule qui se
désunissait en les suivant dans mes pensées, tout,
enfin, se mirait si profondément dans ce qui l’emportait,
et, dans ce que j’en percevais encore, il y
avait un lit si doux pour l’oubli de mes sens que je
ne savais pas dans quelle ombre plus douce de ma
chair engourdie j’avais caressé l’espoir de m’y allonger
pour toujours, que je ne savais plus, pris dans la
tiédeur à mille reflets d’un fleuve en mouvement,
lequel, de lui ou de moi soulevait l’autre et l’entraînait.
C’est alors, au moment le plus achevé de mon
bien-être que je me mis à penser au danger et vaguement
sans que ma peur se définisse, à l’évoquer sous
la forme de quelque chose qu’il y avait à craindre
et qui attendait de prendre corps, une espèce de
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