triste, la certitude que notre cœur est comme un
mort sans sépulture et qu’il n’a faim que de terre.
Monsieur Sureau pensait que la lumière se fait chair
pour nous manger les yeux. Mais alors ? Comment
se reconnaître dans ses passions quand c’est le poids
de la vie qui les fait ce qu’elles sont ; et qu’elles
n’impriment en nous que le désir du monde d’en
finir avec les hommes.
Monsieur Sureau pensait que l’individu est un automate :
d’autant plus parfait qu’il a plus d’esprit ; et,
comme tel, apte à la liberté qui porte son automatisme
à la perfection. Témoin cette confidence étonnante
qu’il me fit un jour en dégustant à petits coups
sa tisane de sarments où se combinaient les saveurs
du haschich et de la ciguë :
« Au temps où mon amour était le refus de mon
humiliation, il lui est arrivé de chercher cette humiliation
hors de lui. »
Je le savais bien : si sa vigilance morale se relâchait
quelques jours, et qu’il convoitât Petite-Fumée, je le
comprenais à son trouble : le mal l’attirait, il n’aimait
alors que ce qu’il aurait pu dépraver. Sa difformité
voulait se faire esprit et s’enfoncer partout
dans son image. Ainsi satisfaisait-il à son ambition
la plus haute et la plus meurtrière : Vivre dans le
réel, à tout prix.