pour se rendre compte qu’elle l’est en moi pour toujours. »
Tout en prononçant ces paroles, il buvait à petits
coups un liquide noirâtre et qu’il appelait, je ne sais
pas pourquoi, de la tisane de sarments.
Maintenant, je n’avais qu’à l’écouter pour le deviner,
qu’à le regarder d’une certaine façon. Les belles
couleurs de Petite-Fumée se recouvraient de leur
éclat dans son angoisse de malade ; et rien ne séparait
alors cette femme — que la faveur de vivre —
de l’image d’Iris qui était en lui et autour de lui
comme la magnificence du don de chair. Quelle idée
pouvait-il se faire d’un monde qui poursuivait, à travers
les hantises de l’âme, l’avènement de son intégrité
matérielle ? Je n’allais pas tarder à le savoir :
Monsieur Sureau avait le délire de l’unité. Il n’avait
pas découvert autre chose en creusant sa tombe dans
un coin de son amour.
— Ce monde est si bien fait pour les amants me
disait-il, que chacun des deux n’y perçoit que les
regards de l’autre, et la lumière n’y voit jamais
qu’elle-même aussitôt que le jour les unit.
« Mais cette lumière, pensais-je en l’écoutant, n’a de
vie que physique : elle est tombée dans notre amour
sur une de ses déterminations matérielles, voilà
tout. »
Ce serait bien une vérité à notre taille, affreusement
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