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aimait sa vie que son mal avait mise en lui ; et qui, résidant à l’ombre de ses sens, en était toute la substance ; si bien que sa passion, sans avoir à quitter son cœur, pouvait se couronner de ses yeux sur le front de la reine des femmes.
Ainsi n’était-il plus séparé que par son amour de celle qu’il avait dans son âme, confondue à la clarté maternelle qu’il appelait du nom charmant d’Iris. Et, seul avec elle depuis toujours, il la revêtait de son regard pour la voir, de son silence pour l’entendre. Quand il sortait de lui pour la toucher, pour ne savoir comment la toucher, il n’entrait jamais que dans la transparence des pensées où il l’avait attendue.


« Je me réconcilie avec mon mal, me dit-il un jour. Je ne sais pas si c’est lui que je choie ou mon amour qu’il me tient par les ailes ; mais il est sûr que je m’attache à mon mal. Je crois qu’il a fallu que ce que j’aime me brise pour être vu ; qu’il y a dans ce que j’aime quelque chose de plus pur que l’amour, et qui devait me jeter à terre afin de me clouer à lui. « Ma chute m’a mis sous l’influence d’un visage : il a fallu que je tombe pour voir qu’il était beau ; et comme éclairé du dedans par le même esprit qui me tire des nues et me donne le monde. »