en vain mes bras vers cette ombre d’un malade à qui
je n’ai pas assez répété qu’il était mon ami. Il méritait
bien qu’on se donnât la peine de l’aimer. Car
son épreuve était au-dessus de ce qu’un esprit peut
penser et il n’eut que sa folie pour la conduire jusqu’au
bout, et quelques prétextes empruntés à des
ouvrages que personne, sauf lui, n’a lus jusqu’au
bout.
Il se faisait de l’amour une idée si haute qu’il pensait
la trouver toujours entre sa peine et lui : son
courage prendrait le dessus ; il parlerait. Sa vie deviendrait
l’orgueil et son corps l’humilité de son
amour : « Tu verras, disait-il en me tutoyant tout
d’un coup ; il n’y aura rien de moi, désormais, dans
le don de la voir, que sa beauté à elle, comme une
lumière détachée de la lumière et qui me chercherait
dans les choses. Car on peut, dans sa passion,
aller plus loin que son cœur. » Il n’avait jamais
entretenu de désirs que pour rendre sa douleur aussi
réelle que lui-même ; et s’il descendait de si grand
cœur au fond de sa misère, c’est qu’un homme ne
peut se révéler qu’à ce prix la dimension surnaturelle
de l’amour.