tristesse dans l’air. Un monde est là, où brillent
des clartés qui ne conduisent nulle part. Mais il y
naît des mots si doux que la voix même les écoute
et qu’elle se perd avec eux, comme une folle dans
son regard, comme la belle nuit d’été dans le
silence d’une reine qui tomberait amoureuse. On
regarde droit devant soi. Ce n’était pas encore mon
habitude de donner un sens à ce qui passe. C’était
le monde où la vérité était l’hirondelle des romances ;
le monde où j’ai connu un certain M. Sureau
qui n’aura, quoi qu’il fasse, parlé que pour les
hirondelles. Nous n’habitons pas un univers matériel,
et le plus simple est de s’en consoler. On a
beau faire de la vie avec de l’espace, de l’espace
avec de la vie, la folie finit toujours par briser ses
armes, et il faut mourir de n’avoir pas été…
Comme j’allais entrer dans la maison de mon malade,
il en sortit un homme élégant et pressé. Il me
sembla qu’il avait l’intention de m’arrêter. Aussi
me détournai-je précipitamment. En ouvrant d’une
façon un peu convulsive la porte vitrée de l’appartement,
je m’interrogeais sur cette déformation de
caractère qui venait peut-être de mon état de médecin,
ou qui, peut-être, avait engagé ma vocation :
je ne pouvais pas supporter qu’une minute de mon
temps échappât à mon initiative. Et je fus bien
puni, cette fois, en apprenant de la bouche de
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