tête que mon corps ne pouvait pas être compris
dans l’idée que je me formais de mon amour ? Il n’y
a rien de plus étranger que lui à l’existence de mes
regards qui vont sans moi sur un versant où il ne
fera jamais assez noir pour la souffrance qui les
suit.
« Je ne peux pas aller vers l’objet de mon amour
sans que tout le poids de ma chair se dresse comme
un mur pour nous séparer. Alors, l’illusion qu’elle
aurait pu m’appartenir vient frauder en moi l’idée
que je suis et que la matière de cette idée maîtresse
vit derrière cette femme dans l’univers où je l’ai
vue me dédaigner. Dans les brumes empoisonnées
du rêve et de la délectation morose, il est fait
échec à la vérité fondamentale du monde, qui veut
que la plus belle expression possible : « Je suis »
ait tout son prix dans le mot le plus doux, le mot
qui dit : « Tu es ». Aberration mortelle. Car ces
deux affirmations, les plus riches de toutes, ne
valent qu’autant qu’elles posent un troisième élément,
celui qui les unit dans l’existence d’un contenu
matériel, que j’ai eu trop longtemps la prétention
d’anéantir dans l’acte d’aimer.
« Heureusement que je suis à la veille, peut-être,
d’en finir. Depuis les derniers froids, j’ouvre les
boîtes de cigarettes comme des paquets de cartou-