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toute la force de mon cœur soudain animée contre moi quand je suis au point de lui crier : « Le temps est là et tu n’es pas toi pour toujours… »
— Vous la voyez donc quelquefois ?
Et à cette question qui m’avait échappé, M. Sureau répondit : « Oui, en passant ». Il avait parlé sans se troubler, et poursuivit plus bas, les yeux mi-clos, comme s’il pensait à haute voix :
« Elle entre en courant dans ma chambre, un oiseau l’attend dans la rue.
— Mais sans doute vous aime-t-elle ?
— Son cœur est une romance du ruisseau dont elle ne sait pas toutes les paroles. Je l’appelle Petite-Fumée…
« Nous sommes dans le monde, ajoutait-il, où tout ce qu’elle touche s’envole… » Mais je l’interrompis : « Eh bien Petite-Fumée, m’écriai-je, toute vivante qu’elle vous paraît ne serait que l’âme d’Iris ? Voilà qui est bien pensé mais c’est à cette petite fumée-là qu’il faudrait en avoir parlé, car si elle est votre amour, il n’y a pas à lui faire un secret de ce que vous tenez pour votre vérité. Et même si vous vous y êtes leurré, considérez, je vous prie, qu’un homme amoureux d’une femme peut jouer tout ce qu’il a sur une illusion qu’il partage avec elle. Parlez-lui ! il n’y a rien de meilleur que de parler. Et ce monde-ci ne sera rien de moins que l’excellence de votre