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ment de porte suspendit mes pas : Quelqu’un sortait en courant de la maison, une vieille femme en robe noire que je vis, à travers la fenêtre ouverte, serrer sur sa poitrine les pans d’un fichu, et qui, soudain immobilisée par le soin de rectifier sa coiffure, nous jetait un coup d’œil par-dessus son épaule avant de remonter d’un pas vif le boulevard des Tilleuls. J’avais cru reconnaître la servante qui aidait ma femme à tenir son ménage. Cependant un mouvement naturel de pitié avait ramené sur M. Sureau mes yeux agrandis par tout le soleil couchant. Je ne m’attendais pas à le voir pleurer.




Ma femme aussi verserait des larmes, je n’en doutais pas. Mais s’il est vrai qu’il y a de la douleur de reste pour la vocation humaine de consoler, le premier devoir de la pitié est de ne s’employer qu’à bon escient, ce qui a toujours abouti pour moi, par une contradiction assez bizarre, à soulager de préférence une peine incompréhensible, parce que dans l’obscurité ardente de ses appels à la compassion, j’ai toujours cru que tremblait la voix de ce qui me concernait personnellement. Et, ce jour-là, l’intérêt instinctif que je portais à ces larmes d’un individu qui